Honolulu Star Bulletin - Fidji Simo, l'ovni français de la tech américaine à l'ascension fulgurante

Honolulu -
Fidji Simo, l'ovni français de la tech américaine à l'ascension fulgurante
Fidji Simo, l'ovni français de la tech américaine à l'ascension fulgurante / Photo: JOEL SAGET - AFP/Archives

Fidji Simo, l'ovni français de la tech américaine à l'ascension fulgurante

Fidji Simo s'apprête, à 39 ans seulement, à devenir numéro deux d'OpenAI après avoir laissé sa marque dans deux bastions de la tech, dont Meta, nouvelle étape d'une trajectoire fulgurante qui l'a propulsée d'une famille de pêcheurs sétois au firmament de la Silicon Valley.

Taille du texte:

Française en terre américaine, femme dans un monde d'hommes, arrivée d'école de commerce dans un univers d'ingénieurs, celle qui dirige actuellement la plateforme de livraison de courses Instacart se joue de tous les stéréotypes.

"Je trouve ça toujours très impressionnant de voir des gens qui ne sont pas dans leur habitat naturel arriver tout en haut, dans le top 0,01% de la pyramide de la tech aux Etats-Unis", observe Julien Codorniou, qui l'a côtoyée quand il était vice-président de Facebook.

"Et ça s'explique parce qu'elle a cette capacité intellectuelle et aussi à connecter avec les gens et à faire en sorte que les gens ont envie de la suivre", ajoute le Français, aujourd'hui associé au sein du fonds 20VC.

"Chez Facebook (aujourd'hui Meta), elle revendiquait son côté français dans son style, sa façon de s'habiller, dans sa façon d'être", se souvient David Marcus, passé par Meta en même temps que Fidji Simo et aujourd'hui patron de la société de paiement en ligne Lightspark.

Le positionnement tranchait, raconte-t-il, avec "la plupart des étrangers, qu'ils soient français ou autres: quand ils viennent dans la Silicon Valley, ils essaient de s'assimiler à la culture locale".

"Je ne sais pas comment ne pas être moi-même", expliquait l'intéressée, en février, à la chaîne CNBC. On lui a conseillé de se fondre dans la masse, de porter des sweats à capuche, et elle a pris, sans succès, des cours pour perdre son accent français.

"Soit je consacre toute mon énergie à essayer d'être quelqu'un d'autre", a conclu celle qui interviendra jeudi au salon VivaTech de Paris, "soit je reste moi-même et je mets tout ça dans ce que je crée".

Issue d'une lignée de pêcheurs, élevée dans le sud de la France à Sète, Fidji Simo est passée par HEC avant d'intégrer, en 2006, eBay, d'abord en France puis en Californie.

"Les gens s'attendent à ce que je leur donne des raisons orientées business pour justifier mon départ aux Etats-Unis", a-t-elle dit sur CNBC, "mais il n'y en a pas. J'ai vu, à travers la télé, le rêve américain, et ça m'a paru incroyablement attirant".

- "Jamais laissée intimider" -

En 2011, elle intègre Facebook, où elle gravit les échelons jusqu'à se voire confier, en 2014, la vidéo et la monétisation, une promotion qu'elle définit aujourd'hui comme une "inflexion" dans sa carrière.

"Elle a une ténacité, une capacité à exécuter, à aller au fond des choses qui est vraiment exceptionnelle", explique David Marcus.

Sur une plateforme basée sur le texte et les fils, Fidji Simo a réussi le pari de la vidéo, devenu un axe majeur de Meta, malgré des réserves en interne.

"Elle ne s'est jamais laissée intimider", décrit David Marcus. "Elle avait une capacité à challenger Mark (Zuckerberg) et à le pousser, alors que d'autres auraient hésité."

Fidji Simo parvient aussi à accélérer la monétisation de l'application mobile Facebook, démontrant une propension observée plus tard chez Instacart, qu'elle a rejoint en 2021.

En 2022, après dix ans de pertes, la plateforme de livraison de courses passe dans le vert, aidée par une diversification accélérée sous l'ère Simo, avec la monétisation des données, une extension des partenariats avec la distribution et la montée en puissance de la publicité.

Malgré un marché devenu très frileux et un contexte difficile en sortie de pandémie, elle parvient, en septembre 2023, à faire entrer Instacart en Bourse dans des conditions satisfaisantes.

"Je n'aurais jamais imaginé que quelqu'un réussisse un tel retournement", avance Julien Codorniou.

Fidji Simo se prépare à intégrer OpenAI, où elle va occuper un nouveau poste de numéro deux, qui comprend notamment ChatGPT, pour laisser le patron Sam Altman se concentrer sur la recherche et les infrastructures.

"Pour moi", estime Julien Codorniou, "l'arrivée de Fidji, c'est un peu une déclaration d'ambition d'OpenAI. Ça veut dire qu'on veut développer des applications qui seront au cœur de la vie des gens. Ensuite, on va être créatif sur les monétisations et ça, elle sait faire".

J.Nani--HStB