

Programmation énergétique: un moratoire sur l'éolien et le solaire fait dérailler l'examen à l'Assemblée
Les députés ont achevé jeudi l'examen d'une proposition de loi sur le futur énergétique de la France, qui comporte désormais un moratoire immédiat sur toute nouvelle installation éolienne et photovoltaïque.
Une mesure introduite par la droite et soutenue par l'extrême droite, qui a provoqué l'indignation du reste de l'hémicycle et du gouvernement.
L'avenir du texte, qui acte par ailleurs une relance massive du nucléaire, est désormais incertain.
Les députés doivent voter mardi en première lecture sur l'ensemble de cette proposition de loi dite Gremillet, issue du Sénat.
Plusieurs députés insoumis ont interpellé le rapporteur macroniste du texte et le gouvernement, leur demandant d'appeler à le rejeter.
Le moratoire adopté jeudi, "je le dis avec gravité, avec solennité, est parfaitement irresponsable", et "dévastateur", s'est désolé le ministre de l'Industrie Marc Ferracci, déplorant le "signal" envoyé aux acteurs industriels.
Ce moratoire est une "catastrophe économique", a abondé le rapporteur du texte Antoine Armand (Renaissance), tout en rejetant la demande de retrait immédiat du texte formulée par la gauche.
L'amendement du député LR Jérôme Nury, qui impliquerait la suspension de tout nouveau projet éolien ou photovoltaïque en cas de promulgation de la loi, a été adopté de justesse dans l'après-midi par la droite et l'extrême droite, face aux bancs dégarnis de la gauche et des groupes du bloc central (Renaissance, Horizons, MoDem).
"L'absence majoritairement du bloc central et de la gauche a permis cette dérive", a concédé le député socialiste Dominique Potier.
Tout au long des débats, le Rassemblement national n'a eu de cesse de dénoncer l'éolien et le solaire comme des énergies coûteuses et "intermittentes".
Ce moratoire "est au cœur du projet de Marine Le Pen", s'est félicité le député RN Jean-Philippe Tanguy.
France Renouvelables, organisation professionnelle spécialisée, a elle dénoncé un amendement représentant "un des plus grands plans sociaux décidés à l'Assemblée" avec "en ligne directe la destruction de 80.000 emplois".
- Victoires du RN -
Mercredi, le RN avait déjà engrangé une victoire avec l'introduction dans le texte du redémarrage de la centrale nucléaire de Fessenheim, fermée en 2020.
"Alors qu'une loi de programmation, c'est fait pour donner de la stabilité, de la perspective, on ne fait que mettre de l'instabilité", a regretté jeudi le président du groupe des députés MoDem, Marc Fesneau.
Le texte "est désormais une menace grave pour le climat", a fustigé le groupe écologiste dans un communiqué, dénonçant une assemblée ayant sombré "dans l'absurde".
Cette proposition de loi avait été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée sous la pression du RN, qui en avait fait un motif de censure du gouvernement Bayrou.
Elle est censée servir d'indicateur au gouvernement pour finaliser un décret fixant la nouvelle feuille de route énergétique de la France pour la période 2025-2035.
Ce décret doit mettre le pays sur la voie de la neutralité carbone en 2050.
Le gouvernement avait toutefois prévenu qu'il publierait ce décret avant la fin de l'été. Soit a priori avant l'adoption définitive de ce texte, qui doit revenir en deuxième lecture les 8 et 9 juillet au Sénat, où la droite est majoritaire.
- "Clarification" -
Le texte prévoit une relance massive du nucléaire, en maintenant la capacité installée de production d'électricité d'origine nucléaire (actuellement de 63 gigawatts), et en l'augmentant de 27 gigawatts d'ici 2050.
Avec, pour cela, la construction de 14 nouveaux réacteurs engagée d'ici 2030 (la France en compte aujourd'hui 57).
Sur les énergies renouvelables, le texte prévoit de porter, d'ici 2030, à 58% au moins la part d'énergie décarbonée de la consommation d'énergie en France, contre environ 40% actuellement.
Un amendement socialiste adopté prévoit que sur les 560 térawattheures (TWh) d'électricité décarbonée qui devront être produits en 2030, "au moins 200" devront être "issus de sources renouvelables".
Une maigre victoire pour la gauche, qui n'a pas réussi à faire inscrire d'objectifs chiffrés par filière (éolien, hydraulique, solaire...).
L'amendement socialiste a été adopté avec les voix de tous les groupes, y compris LR, contre l'extrême droite.
Interpellant LR, à l'origine du moratoire voté ensuite, le député LFI Matthias Tavel a demandé: "Comment peut-on faire 200 térawattheure d'électricité renouvelable sans éolien (...) et sans photovoltaïque?".
M. Armand a lui aussi demandé une "clarification" aux députés LR sur la dissonance entre leurs deux votes.
K.Nohea--HStB