Le consentement en passe d'entrer dans la définition pénale du viol
"Une avancée historique" pour bâtir une "culture du consentement": le Parlement s'apprête à entériner mercredi une modification majeure du code pénal en intégrant la notion de consentement à la définition du viol, fruit d'un long processus législatif transpartisan.
"Constitue une agression sexuelle tout acte sexuel non consenti." Voilà comment la loi sera rédigée si le Sénat adopte, dans l'après-midi, le texte des députées Marie-Charlotte Garin (Ecologiste) et Véronique Riotton (Renaissance).
Ce vote favorable des sénateurs, après celui des députés la semaine dernière, ne fait aucun doute: l'immense majorité des parlementaires s'accordent sur cette nouvelle rédaction du code pénal.
"C'est l'aboutissement d'un long travail entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Nous avons au final un texte clair et lisible sur la notion de consentement", appuie auprès de l'AFP la sénatrice Les Républicains Elsa Schalck, rapporteure du texte pour le Sénat.
Quelques mois après le retentissant procès des viols de Mazan, durant lequel le consentement avait pris une place centrale, le droit pénal va donc être clarifié en comportant, noir sur blanc, cette notion, déjà omniprésente dans la jurisprudence.
- Consentement "préalable et révocable" -
La France rejoint ainsi les pays ayant déjà modifié leur législation en ce sens, parmi lesquels la Suède, l'Espagne, ou encore la Norvège depuis le printemps 2025.
Ce texte "envoie un signal à notre société. Nous passons collectivement de la culture du viol à la culture du consentement", salue Véronique Riotton.
"Quand ça n'est pas non, ça ne veut pas dire que c'est oui", et "quand c'est oui, ce doit être un vrai oui", a pour sa part résumé Marie-Charlotte Garin lors des ultimes débats à l'Assemblée nationale.
Les deux députées plaident pour cette modification du code pénal depuis près d'un an, après avoir mené une longue mission d'information sur ce dossier qui se heurtait encore récemment à d'importantes réticences, y compris auprès de certaines associations féministes.
Principales craintes: le risque d'une inversion de la charge de la preuve qui obligerait les plaignantes à prouver qu'elles ne sont pas consentantes, ou encore la possible contractualisation des rapports sexuels induite par le texte.
Mais la grande majorité des élus a été rassurée au fil des travaux parlementaires, notamment lorsqu'un avis du Conseil d'Etat rendu début mars est venu solidifier juridiquement la modification proposée.
Ainsi, le consentement sera clairement défini par le futur code pénal comme étant "libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable". "Il est apprécié au regard des circonstances. Il ne peut être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime", précise le texte.
"Il n'y a pas de consentement si l'acte à caractère sexuel est commis avec violence, contrainte, menace ou surprise, quelle que soit leur nature", ajoute-t-il enfin, reprenant ici des critères déjà existants.
La proposition de loi a également été confortée par le gouvernement: le garde des Sceaux Gérald Darmanin comme la ministre de l'Egalité entre les femmes et les hommes Aurore Bergé l'ont tous deux défendue avec force.
- Quels effets ? -
Seule l'extrême droite s'oppose au texte au Parlement: le Rassemblement national a dénoncé "une dérive morale et juridique sans précédent".
"Les avocats devront désormais disséquer non plus la violence du coupable, mais les gestes, les mots, le silence de la personne qui se déclare victime", selon la députée RN Sophie Blanc.
Face à ces doutes, certains parlementaires ont promis de mesurer prochainement les effets de cette évolution pénale sur la répression des violences sexuelles.
La Fédération nationale des centres d'information sur les droits des femmes et des familles (FNCIDFF) a de son côté alerté sur la nécessité d'accompagner cette loi d'une "véritable éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle", et d'une formation des magistrats et des policiers et gendarmes.
"C'est une avancée historique", estime auprès de l'AFP Lola Schulmann, chargée de plaidoyer chez Amnesty International France. "Mais le chemin est très long encore pour mettre fin à l'impunité concernant les violences sexistes et sexuelles."
V.Leilani--HStB